Cette nuit-là, je me cache sous les couvertures, Pluchette serrée contre moi. J’ai l’impression que rien ne sera plus jamais comme avant, que le monde vient d’éclater en mille morceaux. On aura beau les recoller tels ceux d’un vase brisé et penser qu’il n’y paraît rien, moi, je sais que tout à changé.
Henry Tudor, dit Hal, né cadet, n’est supposé servir à rien d’autre que de roue de secours au cas où son frère aîné Arthur mourrait sans héritier. Mais fier, orgueilleux et sûr de son destin, il se sait appelé à un avenir brillant d’élu de Dieu : il sera un grand roi, et un farouche conquérant.
Voilà un roman remarquable : l’auteure choisit de se glisser dans la tête de son personnage et de lui prêter sa voix, de son enfance à sa mort. Et quel personnage : Henry VIII, l’un des plus célèbres souverains anglais, le Barbe-Bleue de la monarchie britannique. C’est un roman historique : extrêmement bien documenté et précis, et ce d’autant que l’auteure est historienne de formation, il ressuscite sous nos yeux un pan de l’histoire anglaise et nous apprend bien des choses : les alliances, les trahisons, la vente des femmes comme du bétail pour sceller les accords. Mais il se lit comme un thriller psychologique, dont on ne peut que tourner les pages avec avidité : en donnant la parole au roi, il crée une connivence avec le lecteur. C’est un fou furieux, et pourtant, on ne peut que ressentir pour lui une certaine empathie, allant parfois jusqu’à comprendre ses réactions pourtant monstrueuses. Car la force de ce roman, c’est de mettre du sens dans l’incohérence du destin de ce roi, et de parvenir à une certaine véracité, sinon historique, du moins émotionnelle : peu aimé par son père qui ne voit en lui qu’une solution de rechange au cas où son bien-aimé Arthur mourrait, ballotté, incompris, il souffre dès l’enfance d’hallucinations peut-être dues à une schizophrénie et sera toute sa vie obsédé par le fait d’avoir un héritier mâle (alors que ce seront ses filles qui seront de grandes monarques). On ne sait pas, bien sûr, ce qui se passait dans la tête de Henry VIII, mais la force de la fiction est justement de l’imaginer, et celle-ci le fait de manière cohérente, crédible et passionnante.
Bien sûr, certains événements historiques sont traités de manière très rapide, alors qu’ils auraient peut-être mérité de plus longs développements. De même, le choix de l’auteur a été de se concentrer sur les épouses d’Henry VIII et de passer totalement sous silence ses maîtresses, y compris Mary Boleyn. Certains personnages comme Thomas More auraient peut-être mérité d’être plus approfondis. Mais tout cela est compréhensible, l’auteur a dû faire des choix, sinon le roman aurait fait 1500 pages, et ce qui l’a intéressée avant tout, c’est l’âme tourmentée de Henry VIII.
Un très bon roman donc, que je vous conseille même si vous n’êtes pas spécialement passionné par l’histoire.
VIII
Harriet CASTOR
MA, 2013
Classé dans:Elle lit... des romans, Elle lit... des textes biographiques et autobiographiques Tagged: angleterre, folie, Henry VIII, histoire, monarchie