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Channel: Elle lit des textes biographiques et autobiographiques – Caroline Doudet
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L’Égoïste romantique

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La vie est un long plan séquence qui va de la naissance à la mort. De temps en temps, on aimerait couper des scènes au montage.

Il y a des auteurs, comme ça, auxquels on a envie de revenir régulièrement, car leur univers et le vôtre se complètent assez bien, dialoguent harmonieusement, et vous avez envie d’en découvrir plus. C’est mon cas, je crois, avec Frédéric Beigbeder, dont j’aime énormément L’Amour dure trois ans. J’ai choisi le roman dont je vais vous parler aujourd’hui un peu par hasard, attirée par l’énigme du titre.

Nous avons ici le journal intime (pas si intime puisqu’il le publie dans VSD) d’Oscar Dufresne, un trentenaire cynique, mondain et égoïste, qui passe sa vie à naviguer de happening en soirée VIP où il croise nombre de people, boit beaucoup, se drogue souvent, et drague à peu près tout ce qui bouge. Il s’agite donc beaucoup pour oublier le vide de sa vie, et oublier Claire… avant de rencontrer Françoise.

Un drôle de titre, donc, dont on apprend qu’il vient de Fitzgerald : oxymorique, il convient cependant tout à fait au personnage central de ce drôle de roman, dans lequel, il faut bien l’avouer, il ne se passe finalement pas grand chose, et c’est là d’ailleurs tout l’enjeu : montrer l’inanité d’une vie mondaine de Don Juan de sous-sol à laquelle il manque l’essentiel : l’amour. Et pourtant, quel bonheur désespéré et désespérant que cette lecture : on retrouve en concentré tout l’univers de Beigbeder, qui en agace beaucoup et en enchante d’autres, dont je fais partie : du name dropping à toutes les pages, un cynisme souvent attendrissant, du sexe, de la drogue, un peu de Rock n’ Roll, et surtout beaucoup d’humour. Il n’y a finalement que Beigbeder pour nous faire un portrait aussi décapant, criant de vérité et drôle d’une génération bobo/snob/désabusée qui ne sait plus où elle va, perdue entre un désir éperdu d’amour et la cruauté du principe de réalité, une génération qui se divertit et s’amuse pour éviter de penser à l’essentiel et avoir à en pleurer. Car finalement, ce personnage d’Oscar Dufresne, double évident de l’auteur à qui il emprunte bien des traits, est cynique mais surtout romantique et lucide, car il a bien compris que l’amour était tout, et il parle, finalement, magnifiquement du sentiment amoureux. Et il parle aussi magnifiquement de littérature, émaillant le texte de réflexions profondes, notamment sur la question de l’autofiction, et c’est une des choses que j’apprécie chez l’auteur : une vraie intelligence des textes, une immense culture, qu’il cache sous des dehors de mondain superficiel et désinvolte. Enfin, je trouve son écriture de qualité : là encore, les apparences sont trompeuses, et le dilettantisme stylistique est en fait très travaillé pour donner aux phrases une tournure à la fois légère est profonde.

Bref, vous l’aurez compris : je recommande vivement ce livre, mais avec la réserve qu’il ne convaincra pas tout le monde, à la fois de par sa forme et de par son fond. Qu’importe, pour ma part, j’ai vraiment apprécié, et je continuerai ma découverte des oeuvres de cet auteur, qui à bien des égards me semble être pour moi un peu comme un alter ego.

L’Égoïste romantique
Frédéric BEIGBEDER
Grasset, 2005 (Folio, 2007)


Classé dans:Elle lit... des romans, Elle lit... des textes biographiques et autobiographiques


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