Pourquoi faut-il attendre tant de temps pour oser prononcer les mots justes ? Le temps de la mort, celui des silences, le temps de l’absence ? Attendre que l’arrogance de la jeunesse se soit adoucie et que l’ajustement du regard et des mots vise ce qui a compté et non ce qui a manqué.
Vous le savez, j’aime énormément Yves Simon, dont les mots toujours justes me touchent énormément. Mais j’ai tendance à le préférer dans l’autofiction que dans le fictionnel pur (d’ailleurs, je ne vous ai pas parlé du dernier roman que j’ai lu de lui, car je n’avais rien de spécial à en dire). Dans ce texte, paru dans la collection les Affranchis, il se met totalement à nu, avec beaucoup de sincérité et d’honnêteté.
C’est à son père que le narrateur adresse cette lettre émouvante. Un père qu’il a mal aimé, à qui il a peu parlé, un père dont il a eu un peu honte, parfois. Un père cheminot, mort d’un cancer lorsque le narrateur avait vingt ans. Un père qui lui a donné l’essentiel : l’amour.
Parce qu’Yves Simon parle beaucoup des femmes, il a beaucoup écrit sur sa mère, une de ses Éternelles, sans doute la plus importante ; mais il n’avait jusqu’ici que très peu parlé de ce père grâce à l’amour inconditionnel de qui il s’est construit. Dans ce texte, Yves Simon arpente le terrain de l’enfance, une enfance pauvre mais digne, qui lui a donné la force de se battre, de ne pas se résigner au destin social et de s’élever. Mais au-delà du biographique, ce texte touche à l’universel : bouleversant, ce texte est un hommage vibrant au Père qui vient réparer une certaine désinvolture de l’adolescent qui se savait promis à un avenir meilleur et n’a pas su apprécier à sa juste mesure cet homme qui semblait se résigner à la pauvreté. La grande sensibilité d’Yves Simon, sa sincérité aussi, permet de dire au plus juste l’amour filial inconditionnel, malgré l’irrémédiable opacité de ceux que nous aimons, et ses mots résonneront en chacun.
Un coup de coeur !
Un homme ordinaire
Yves SIMON
Nil, Les Affranchis, 2011
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